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JOURNAL
(I)
Février 1992 septembre 1993
Plusieurs éditions chez Ego comme X (la première en 1996),
réédition le 13 avril 2022 aux éditions Delcourt
Ce volume était intialement publié seul, puis groupé
avec Journal (II)
108 pages
Préface de Thierry Groensteen
Alph'Art Coup de cur à Angoulême en 1997
Fabrice Neaud reprend dans
ce tome, après les avoir redessinés, le récit publié
dans Ego comme X n°1 et quelques pages de celui
d'Ego comme X n°3.
Résumé
Fabrice, ancien étudiant des beaux-arts, homosexuel,
partage son temps entre projets de récits et de revues de bande
dessinée, travaux de décoration, un atelier de jeunes artistes
et des balades nocturnes dans le jardin public. C'est là qu'il
rencontre Stéphane dont il tombe amoureux. Le récit de cet
amour constitue le fil conducteur de ce premier tome.
Naissance de l'amour, désir, jalousie, rupture... Toutes ces étapes,
ces sentiments sont analysés avec beaucoup de finesse. Ce récit
fait naître quelques passages 'théoriques', notamment sur
la difficulté d'être homosexuel dans notre société,
sur l'amour et sur la représentation dans l'art.
On suit également le début de la vocation chez Fabrice de
dessiner son Journal, sous l'impulsion de Loïc et du groupe fondateur
de la revue 'Ego Comme X'...
Ouverture de l'uvre (chapitres 1 et 2)
Nous lisons un journal intime, l'auteur, le narrateur ne cessent de nous
le rappeler. Cela n'empêche nullement une forte construction du
récit. Les deux premiers chapitres de cet album sont primordiaux
dans la mesure où ils constituent l'ouverture de ce premier volume
mais également de tout le projet du Journal. Les sujets évoqués
dans ces quelques pages, les situations et les lieux aperçus constituent
une part capitale du matériel thématique qui sera repris
et développé tout au long de l'uvre.
Chapitre 1
1) Traumatisme
L'auteur ouvre l'uvre sur le rappel d'un traumatisme,
vécu dans l'enfance. Cet épisode ne sera quasiment pas explicitement
rappelé plus tard. En revanche, les allusions à des troubles
pathologiques, aux problèmes affectifs de l'enfance, etc. sont
nombreux (voir le récit publié dans Vampires, la psychanalyse
dans le volume III). En outre Fabrice s'est
fait agresser plusieurs fois (ses deux agressions sont relatées
dans le volume III), sans doute avant de dessiner
cette scène d'ouverture.
2) Difficultés des rapports humains
Fabrice croise dans l'escalier sa voisine. Pas un sourire,
à peine un bonjour. Le thème ainsi posé, la difficulté
de créer des rapports humains véritables, sera particulièrement
récurrent tout au long de l'uvre (il ouvre notamment le volume
II).
3) Jardin public
Fabrice sort pour faire une petite balade au jardin public.
Le décor est planté : Fabrice est homosexuel et il vit,
par nécessité, cette homosexualité dans des conditions
troubles. La recherche d'un partenaire est difficile (difficultés
des rapports humains encore).
4) Chemin de croix, chômage, exclusion
Le narrateur évoque alors à la fois le
travail qu'il réalise actuellement, un chemin de croix, et le fait
qu'il est au chômage depuis un an et demi. Un parallèle entre
le sujet du travail et la difficulté de sa situation professionnelle
est dressé. Le chemin de croix peut apparaître comme un moyen
de sortir du chemin de croix quotidien.
Une réflexion sur le statut de l'image, de la représentation,
est amorcée à propos de ce chemin de croix. Ce sera un des
grands thèmes du volume III et, plus
généralement un des sujets principaux de l'ensemble de l'oeuvre.
Chapitre 2
Le chapitre 2 poursuit cette ouverture, avec un léger
resserrement sur les thèmes propres au volume I, l'histoire avec
Stéphane tout particulièrement.
4) Vocation du Journal
On voit apparaître le début de la vocation
du Journal (mise en abyme). On verra la décision de réaliser
ce projet mûrir tout au long du volume I (page 47, Fabrice montre
ses premiers essais de planches à Loïc).
Quelques phrases sur ses premières tentatives dans l'autobiographie
nous signalent la difficulté de l'exercice : « Il me sembla
pendant un temps que toucher à l'intime suffirait à écarter
tout problème de forme » (page 12).
5) Arrivée de Stéphane
L'ouverture
continue. Les principaux thèmes sont posés : la difficulté
d'être homosexuel dans notre société, le chômage,
le travail avec Alain, l'idée du Journal, l'association de bande
dessinée avec Loïc... Cependant Stéphane n'a pas encore
vraiment fait son apparition... Seules deux allusions ont révélé
son existence (un coup de téléphone et une question d'Alain).
Et, page 23, à propos des rencontres possibles dans le jardin public,
le narrateur nous confie : « je n'en n'ai fait qu'une seule [vraie
rencontre] ». Il s'agit de Stéphane. Cette relation est d'entrée
de jeu présentée comme importante.
Puis, quelques retours en arrière : la rencontre avec Stéphane
et la première (la seule) nuit ensemble ; la déclaration
(page 28) : Fabrice propose à Stéphane de faire un bout
de chemin ensemble, ce dernier refuse... Cette scène est une étape
importante de leur relation, il s'est sans doute agi d'un moment difficile
pour Fabrice. Elle est traitée ici avec beaucoup de retenue. Une
chose relativement spécifique à la bande dessinée
par rapport aux autres médias est de pouvoir donner à lire
au lecteur plusieurs informations à la fois : dessin(s), bulles,
narratifs. La plupart du temps, ces différents renseignements sont
concordants mais ce n'est pas toujours le cas, comme nous pouvons le voir
ici. Dans cette page sont visibles au moins trois niveaux de lectures
: les bulles, le dessin et la voix off de Fabrice. La déclaration
est faite dans la voix off pendant que les bulles parlent d'autre chose
(accident et mise en danger). Lorsque la bulle de Stéphane donne
une réponse négative, la voix off change de sujet (pudeur,
volonté de ne pas s'appesantir, souhait d'oublier ?) et embraie
sur les préoccupations du chemin de croix, sujet de la scène
suivante...
Chapitre 3 : Passage au présent, fin de l'ouverture
À la page 31, le chapitre 3 débute : on
arrive enfin dans le présent de l'histoire avec Stéphane.
C'est d'ailleurs plus ou moins ici que débutait le premier récit
publié de Fabrice, dans le n°1 d'Ego comme
X. Les thèmes sont posés, les personnages présentés,
le récit proprement dit débute.
Le projet de Journal
Dès le début, Loïc prévient
Fabrice du danger qu'il y a à se mettre en scène (la scène
est d'ailleurs rappelée dans le volume III).
Fabrice avait-il déjà connu les mésaventures relatées
dans le tome III lorsqu'il a écrit ces pages ?
Dès le début Fabrice se prévient lui-même et
nous avertit par la même occasion : même dans un récit
autobiographique la forme compte. On peut même se demander si elle
ne compte pas encore davantage. (Il n'y a pas d'aventure, de récit
au sens feuilletonesque du terme, pas de suspense sur lequel se reposer.)
Le fait de mettre en scène la réalisation
du Journal, cette mise en abyme, renforce la crédibilité
du côté autobiographique de l'ouvrage que nous lisons.
Image
Fabrice reprend contact avec Stéphane en lui proposant
de faire son portrait. Marché 'gagnant gagnant' : Stéphane
aime sa propre image et se fait donc un plaisir de poser, Fabrice aime
Stéphane donc (ou parce que) il aime l'image de celui-ci, il souhaite
la dessiner. Ce thème de la représentation de l'autre, et
surtout de l'être aimé, sera repris tout au long de l'oeuvre,
passant sur le devant de la scène chaque fois que Fabrice est amoureux
(de Dominique dans le volume III, d'Émile
dans Ego comme X n°7). À chaque fois
le traitement sera différent.
Une histoire d'amour
Besoin d'amour
Tout au long de l'histoire d'amour avec Stéphane revient une image
très forte (un leitmotiv iconique), celle des mains de Dieu et
d'Adam, peintes par Michel-Ange sur le plafond
de la Chapelle Sixtine. Dans cette fresque représentant la création
de l'Homme, le centre est occupé par ces deux mains qui se touchent
presque. Cette image très connue apparaît à de nombreuses
reprises pour illustrer les sentiments du narrateur (comme sera souvent
reprise, principalement dans le volume III,
l'image du Christ du jugement dernier peint par Michel-Ange
pour le mur de la Chapelle Sixtine).
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