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Le
Droit d'auteur
20 mai 2016
60 pages couleurs
Scénario : Emmanuel Pierrat
Le Lombard - La Petite Bédéthèque des savoirs, tome
5
La Petite Bédéthèque des savoirs
est une collection lancée par David Vandermeulen aux éditions du Lombard.
Elle vise à aborder en bande dessinée des thèmes
très variés : le Nouvel Hollywood, l'artiste contemporain,
le féminisme. Fabrice Neaud en a dessiné
le volume 5, consacré au droit d'auteur, sujet auquel il a souvent
réfléchi. On peut espérer une nouvelle collaboration
de sa part à cette collection, sur le thème du rugby ou
de la physique quantique, par exemple...
Comment illustrer de façon didactique et agréable
un texte riche mais plutôt aride...
Les récits didactiques en
bande dessinée ne datent pas d'hier. Traditionnellement, il s'agit
justement de récits : biographies, épisodes marquants de
l'histoire, etc. L'Oncle Paul et ses belles histoires ont eu beaucoup
de succès aux grandes heures du Journal de Spirou pendant
des années. Pour chacun de ses récits, cependant, la même
question se pose : comment trouver le juste équilibre entre texte
et dessin ? S'agit-il réellement de bande dessinée, avec
récit et dialogues, ou bien de textes narratifs illustrés
(la distinction n'étant bien entendu pas nettement tranchée,
mais en débattre ici nous mènerait trop loin) ?
Et encore, jusqu'ici nous parlions de récits, avec personnages,
enchaînements chronologiques et péripéties. L'affaire
se complique quand la bande dessinée didactique s'attaque à
une explication abstraite. C'est le cas du cinquième volume de
la Petite Bédéthèque des savoirs, consacré
au droit d'auteur; dessiné par Fabrice Neaud,
sur un scénario d'Emmanuel Pierrat,
grand spécialiste du sujet. Un tel défi est loin d'être
nouveau pour Fabrice Neaud : déjà
dans son Journal ou dans quelques récits courts, il avait abordé
des thèmes abstraits, sujets l'actualité entre autres, et
les avaient brillamment traités en bande dessinée (on
pourra lire ici un texte consacré à ces essais en bande
dessinée).
Il le fait ici encore une fois avec brio, mais sur une distance plus
longue (60 pages). Malgré le talent de vulgarisation d'Emmanuel
Pierrat, on pouvait craindre un traité un peu aride sur
un tel sujet. Et, a priori, pas de véritable personnage dans un
traité théorique sur le droit d'auteur. Pourtant si, en
quelque sorte. Fabrice Neaud met à
profit son art consommé de la métaphore iconique. Il représente
certains aspects du droit d'auteur avec des objets (par exemple un parapluie
pour les attributs d'ordre moral du droit d'auteur et un casque de chantier
pour ses attributs d'ordre patrimonial), présents tout au long
de l'ouvrage. Il introduit également plusieurs personnages, les
plus présents étant le petit chaperon rouge et le grand
méchant loup, pour accompagner le lecteur tout au long de l'exposé.
L'éventail va donc de simples icônes à des personnages
récurrents complexes, interagissant entre eux. Les symboles utilisés
évoluent : ainsi, le casque de chantier devient chapeau melon lorsqu'il
s'agit d'aborder les droits dits "voisins".
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Cette personnification des enjeux théoriques souvent complexes
exposés dans cet ouvrage permet au lecteur de se familiariser plus
facilement avec eux ; la récurrence de certaines métaphores
aide également le lecteur à suivre le fil du raisonnement
et à mieux comprendre les relations entre différents thèmes.
Cela permet également d'introduire quelques touches d'humour bienvenues
pour désacraliser encore le sujet.
Pas de véritable récit, peu de phylactères. Pourtant
le dessin enrichit significativement cet exposé didactique, en
combinant plusieurs rôles : parfois ils complète "simplement"
le texte avec des graphiques ; parfois, il l'illustre de façon
directe (par exemple en montrant un portrait de Céline
quand on parle de celui-ci, ou en montrant Karl Lagerfeld
quand on évoque la mode) ; en complément de ces deux approches,
le dessin enrichit également l'exposé par le jeu de ces
métaphores iconiques, en créant des "personnages"
récurrents qui permettent au lecteur de suivre l'exposé
avec presque autant de facilité qu'un récit ordinaire. Il
serait trop long d'énumérer ici toutes les techniques mises
en uvre par le Fabrice Neaud pour créer
un jeu de renvois et d'échos tout au long du livre. En dernière
page, comme au théâtre, l'ensemble des personnages revient
pour saluer le public...
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Nous avons donc ici un récit didactique en bande dessinée
très réussi : le texte d'Emmanuel Pierrat
pose de façon claire et succincte les principaux enjeux du droit
d'auteur ; les dessins de Fabrice Neaud accompagnent
le lecteur pour lui en faciliter la compréhension et la mémorisation,
en jouant sur des registres très complémentaires du texte.
Les images sont © Le Lombbard
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